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28 novembre 2012 3 28 /11 /novembre /2012 17:43

Des idées pour un débat

 

Le débat sur l'énergie décidé par le gouvernement, c'est pour bientôt. Le comité de pilotage national sera constitué d'Anne Lauvergeon, ex-patronne d'AREVA, Pascal Colombani, ex administrateur du CEA. Madame Tubiana est directrice de l'IDDRI (Institut de Développement Durable et des Relations Internationales). Dans le collège des fondateurs de cet institut on trouve : EDF, GDF-Suez, EADS, Vinci, BASF, Baïer, VEOLIA-Environnement... Jean Jouzel, climatologue, préside cet institut. Sa carrière a été faite au CEA. Bruno Rebelle, ancien de Greenpeace, membre du PS, n'a pas de lien connu avec le monde du nucléaire. L'idée d'un passage obligé des fossiles aux renouvelables est loin d'être une évidence pour 4 sur 5 des personnes sus-nommées.

Le débat sera aussi organisé dans les régions. L'AJENA, première association de Franche-Comté engagée dans la réflexion sur les énergies renouvelables et la maîtrise de l'énergie, y aura, pensons-nous, sa place. Il nous faudra aborder ce débat avec des idées claires et solides.

 

Nous serons affrontés aux arguments classiques :

L'électricité nucléaire est peu chère, c'est un atout pour notre industrie.

Le nucléaire est source d'emplois.

Il assure notre indépendance énergétique.

C'est un fleuron de notre technologie.

Nos centrales sont sûres, leur sécurité étant sans cesse renforcée.

Le nucléaire est donc une filière d'avenir.

 

Il faudra replacer ces affirmations dans une approche non plus hexagonale mais mondiale du problème de l'énergie et de l'état de l'industrie nucléaire. Nous nous appuierons pour cela sur un rapport paru en juillet 2012 sous l'égide notamment du World Watch Institute (téléchargeable sur www.worldnuclearreport.org).

 

De ce rapport de 100 pages, illustré de nombreux graphiques, voici quelques points forts :

Prévisions et réalite :

En 1973-74, l'AIEA prévoyait pour 2000 une capacité installée de 3500 à 5000 GWe. La capacité atteinte en 2000 est de 350GWe.

Effet Fukushima :

L'Allemagne décide la sortie du nucléaire : 8 réacteurs sont arrêtés. Taiwan, Suisse, Belgique planifient leur sortie du nucléaire. La Chine suspend les nouveaux projets. Les chantiers engagés sont poursuivis.

Production d'électricité nucléaire :

En 2002, 444 réacteurs sont opérationnels. En 2011 : 429 (parmi ceux-ci 44 réacteurs japonais dont une partie resteront définitivement à l'arrêt).

De 2010 à 2011 la production totale a chuté de 4,3%.

En 1993 le nucléaire fournit 17% de l'électricité, 11% en 2011. Depuis cette date, un seul pays a rejoint le club : l'Iran.

Dérive des coûts :

...de construction de l'EPR (European Problem Reactor).

Flammanville : de 3 à 6,6 milliards d'euros.

Olkiluoto : de 3 à 6 milliards d'euros.

Coût de l'électricité nucléaire :

2003 : 28,4 euros/MWh (Ministère français de l'industrie).

2012 : 70 à 90 euros/MWh (Cour des Comptes).

2012 : 110 à 166 euros/MWh (Prévision EDF pour l'EPR de Hinkley Point, GB).

Marché et industrie nucléaire :

TEPCO a perdu 96% de sa valeur. On s'y attendait.

Mais l'action d'EDF, le plus grand exploitant nucléaire au monde, a perdu 82% et celle d'AREVA, plus grand constructeur : 88%.

Standard and Poor's attribue la note « BBB - » à AREVA. L'investissement dans le nucléaire est considéré comme risqué par les marchés financiers.

 

Energies Renouvelables

 

En 2011 le coût des panneaux photovoltaïques est 25% de celui de 2008.

En 2011 les investissements dans les ER sont de 250 milliards de dollards, 5 à 10 fois plus que dans le nucléaire.

 

En 1973, après le choc pétrolier, certains rêvent que le nucléaire se substituera aux énergies fossiles.

En 2010 la demande mondiale en énergie est de 12000 millions de TEP. Cette demande est couverte à 85% par les énergies fossiles, 8% par les énergies renouvelables, notamment l'hydraulique. 5% par le nucléaire.

Estimons à 2% l'augmentation annuelle de cette demande. En 35 ans, elle aura été multipliée par 2.

Revenons sur l'argument des pro-nucléaires : « le nucléaire est le meilleur moyen de lutter contre le changement climatique. »

Si l'on veut simplement couvrir cette augmentation de la demande par le nucléaire et ainsi stopper l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre au niveau actuel, il faut multiplier par 25 le nombre de réacteurs d'ici 2047, donc en construire un par jour. A quoi ressemblera le Monde avec 11000 réacteurs ?

Mais la révolution des ER est en marche. De 2005 à 2010 les capacités de production d'eau chaude solaire et d'électricité éolienne ont crû de 25% par an, celle d'électricité photovoltaïque de 50%.

Si un tel taux de croissance se maintenait, dans 35 ans nous ne saurions pas quoi faire de toute l'énergie produite.

La question n'est pas de savoir si les ER domineront l'approvisionnement mondial en énergie, mais quand.

 

Question subsidiaire au ministre du Redressement Industriel : sachant que le lobby nucléaire livrera une rude bataille d'arrière-garde, quel sera le rôle de la France : frein ou moteur ?

Autre question, très politique celle-là : l'avenir appartenant aux ER, quelle voie empruntera leur développement, sachant que nous sommes à l'embranchement. Celui-ci se fera-t-il sous forme de projets énormes, aux mains de monopoles, la production étant centralisée, l'énergie circulant de façon uni-directionnelle . Ceci répliquerait les schémas encore actuels en France.

Ou bien, conscience étant prise de la nature décentralisée des ER (solaire, éolien, hydro-électricité, biomasse, géothermie), se construira une production répartie sur le territoire, où individus, collectivités, coopératives seront à la fois producteurs et consommateurs. La nature des énergies renouvelables et les technologies de l'information permettent cette évolution vers une 3è révolution industrielle.

*L'énergie n'est donc pas une simple question de technique, mais par ses implications sociales, économiques et environnementales, un problème politique. Jusqu'alors dans ce domaine les choix ont été le fait d'une techno-structure. Ce qui n'est plus admissible. Le changement c'est aussi cela.

 

*- Jérémy Rifkin : La 3è Révolution Industrielle -

Michel Moreau

 

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