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22 septembre 2011 4 22 /09 /septembre /2011 10:40

les grands marchands font leurs emplettes

 

 

Un fabricant d'avions à vocation guerrière aidait en espèces un grand parti. Malicieux il confiait : « c'est une de mes danseuses ».

Ce qui se passe au plus haut niveau dans cette république des mallettes n'a-t-il pas sa traduction, à échelle modeste, au niveau de nos villes de province ?

Bien sûr, ces collectivités-là n'acquièrent point de chasseurs ou bombardiers, mais on y consomme de l'eau, de l'énergie, des produits alimentaires.

Peut-on imaginer que les grands distributeurs de ces biens vitaux pourraient avoir une autre démarche à l'égard des décideurs locaux que celle du producteur d'avions d'assaut.

 

Dans une petite ville de cette démocratie occidentale, que je vous adjure de ne point reconnaître, il semble bien que les puissants distributeurs aient eux-même choisi l'air sur lequel danseront les édiles, d'ordinaire plus prompts à endosser la tenue de templier du bien public que pointes et tutus.

Non, le gala de danse, par bonheur, ne sera pas public. Les ficelles, qui imposeront des figures risquées, de grands écarts, seront tirées dans la plus grande discrétion, non sans efficacité.

Ainsi si cette petite ville est parfois présentée, dans les discours des politiques en mal de poésie, comme une perle dans son écrin vert, c'est bien une merveille d'ingéniosité que le chemin suivi par un très grand marchand pour s'approprier le site où il érigera son temple, ou plutot sa cathédrale. Le maire de notre bourgade n'est-il pas catholique confirmé et affirmé ! Oui ! Béni soit qui mal y pense !

La ville en question est heureusement dotée – ne riez pas – d'une commission du développement durable. Alors on y travaille sur le long terme. Et on n'y désespère pas d'inverser le cours de la désindustrialisation qui sévit depuis 2 décénnies au moins, de la baise de la démographie, du vieillissement.

Il faut pour cela se constituer des réserves foncières. Depuis des années, un beau terrain de 3,5 hectares est dans le colimateur des autorités locales.

 

Eté 2009. Le magazine de com ' de l'équipe aux manettes de cette ville décrit le projet de 100 logements sociaux sur ce site idéal, à l'intérieur du périmètre urbain, facile à viabiliser. Enfin, en novembre 2009, l'affaire est conclue, la propriétaire consciente et satisfaite que ces terres agricoles fertiles seront dédiées à un habitat que l'on rêve déjà social et écologique.

Comment imaginer une autre destination pour ce terrain ? L'acquéreur n'est-il pas une société dont l'objet est la construction de logements sociaux.

Stupeur ! Il ne s'écoule pas 1 mois, avant qu'un 9 décembre 2009, cette honorable société convoque son conseil d'administration, dont le maire est vice-président. Ce CA décide de vendre le terrain si récemment acquis... à un géant de la distribution.

Celui-ci tentait depuis longtemps, vainement, de mettre le pied dans cette circonscription administrative située à l'est de ce grand Etat.

Or cette collectivité locale possède une particularité. C'est elle qui dans tout le pays est dotée du plus grand nombre de mètres carrés de grandes surfaces commerciales par habitant. Comment notre très grand distributeur s'y est-il bien pris pour convaincre que son implantation en ce lieu où l'offre commerciale de la grande distribution est déjà tout à fait déconnectée du contexte économique et social, allait booster l'économie locale et assurer la prospérité des commerces du centre-ville ?

L'argument qui l'a emporté est certainement celui-ci : « La ville X « – lit-on en introduction du dossier du candidat à l'installation - « accueille 4 supermarchés. Mais il n'y a aucun hyper disposant d'une surface suffisante pour proposer autre chose que des produits de première nécessité ».

Et c'eset la triste vérité. Nous avons vérifié qu'un des 4 supers n'offre que 50 marques de whiskies, 180 shampooings, et seulement 30 mètres linéaires consacrés aux aliments pour chats et chiens. Pire encore, hors période de fête, on n'y trouve que 6 marques de foie gras.

Le maire, lui-même très conscient de ces criantes lacunes, s'exclame en public : « Nous avons beaucoup de m2 de supers. Mais zéro m2 d'hypers. » Comment ignorerait-il que la maison Ricard offre un apéritif plus ennivrant en hyper qu'en super !

 

Et l'affaire va bon train : le 9 mars 2010 est signé un compromis de vente entre le représentant du distributeur et le directeur de la société d'habitat social.

Mais il suffit d'étudier de près les statuts de la dite société : aucun des 33 paragraphes consacrés à son objet social ne l'autorise à servir de porteur à cette opération immobilière.

Exquise cerise sur le gros gâteau, le prix : 13 euros le m2. Le mammouth de la distribution écrase le prix de l'immobilier.

Résultat attendu : dans cette petite ville où il fait bon vivre, même si on y travaille de moins en moins, le bas prix du terrain à bâtir boostera la construction.

 

Question : pourquoi faire porter cette opération par cette société dont ce n'est évidemment pas l'objet, au risque de la mettre dans l'embarras ?

Parce qu'à la tête de la ville siègent de fins psychologues. Imaginez le maire proposant d'acheter ce terrain en annonçant franchement que c'est pour un hyper ! Le prix eût-il été le même ?

De même, au conseil municipal siègent des élus, de droite et de gauche, au fait des prix du terrain à bâtir sur le territoire de leur ville. Comment justifier ce riche cadeau au groupe cousu d'or ?

 

La morale de l'affaire ? Qu'ils vendent l'eau, l'énergie, la nourriture, les grands groupes ont fait de nos élus locaux leurs dévoués représentants de commerce. Ils exercent ainsi de plus en plus de pouvoir sur l'évolution du cadre et des conditions de nos vies. Alors, ici et là, dans cette commune à l'est de cet hexagone démocratique et libéral, et de par le vaste monde, des voix s'élèvent, des citoyens résistent. Ce sont souvent des jeunes. Ils veulent des politiques moins ordinaires, moins dociles, plus dignes.

 

 

Michel Moreau

Président de Citoyens Ecologistes Solidaires.

 

 

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