De Michel Moreau, association Citoyens, Ecologistes, Solidaires,
à Monsieur le Président du Conseil Général du Jura,
à Champagnole, le 19/07/2010
(photo Nelly Markovic, le Progrès)
Monsieur le Président,
Le 6 août vous aurez à vous prononcer sur deux projets d'extension de grandes surfaces à
Champagnole. Notre association se permet d'apporter quelques éléments d'appréciation qui
pourront vous aider à formuler une opinion.
Les chiffres sont clairs. La densité de grandes surfaces supérieure à 300m2 par tranche de
1000 habitants était de 380 m2 en 2009 à Champagnole (Jura 228m2, France 140m2). Nous
sommes déjà les premiers. Et deux de ces commerces n'ont pas une clientèle suffisante
(Colruyt et Casino).
Sagement, en 2005 le TA s'est opposé à l'extension de Super U en Hyper. L'offre
commerciale en supers excède la demande, deux magasins discount concurrencent les supers
classiques.
Depuis 2000 ni le contexte économique et social, ni la démographie, n'ont évolué
favorablement. Ce qui n'était pas pertinent en 2005 l'est encore moins en 2010.
Un élément plaide pour le statu quo. La disposition des grandes surfaces à Champagnole se
distingue par une répartition géographique équitable. Elles sont aisément accessibles à
pied. Les pensionnaires du Foyer du mont Rivel sont à 50m de Super u, ceux du foyer André
Socié tout proches de Colruyt. Si Super U se déplace et Colruyt ferme, deux quartiers
populaires et importants perdront leur commerce de proximité.
L'équilibre actuel sera rompu par toute installation d'hyper. Le recours à l'automobile
s'imposera encore un peu plus, pour des trajets allongés. Très efficace pour la production de
Co2.
La surface dédiée à l'automobile déjà très conséquente ici, croîtra de quelques hectares de
parkings dûment imperméabilisés. Ce qui n'améliorera pas le rendement de la station
d'épuration qui connaît des problèmes en cas d'orage.
7 hectares (70,000m2!) seront cédés à la société Chamdis par la communauté de communes
pour y installer un Hyper U de 4000m2 avec galerie marchande plus 4000m2 de
magasins "satellites », sans que l'on ait la moindre idée de ce dont il pourrait s'agir. La
collectivité délègue donc à un privé beaucoup de pouvoirs sur l'orientation commerciale
future de notre cité.
La grande distribution exploite un concept : distribuer plus en employant moins. Le bilan
emploi ne pourra être que négatif. Les rares commerces du centre ville auront plus de
difficultés à survivre. La ville n'y gagnera pas en vie.
Les 7 hectares d'Hyper U sont les meilleures terres agricoles du secteur. Renseignement
pris auprès d'agriculteurs locaux. Un paysan-boulanger y cultive son blé bio. Des jardins
ouvriers jouissent d'une orientation idéale et sont arrosés par un ru qui ne tarit pas.
Le terrain qui sera dévolu à Leclerc est situé en bordure de la Londaine, petit torrent
capricieux, juste en amont de l'endroit où elle s'engouffre pour 600 mètres dans de gros
tuyaux. Le risque d'engorgement et d'inondation, type Draguignan, s'en verra accru.
L'actuel Super U, superbement placé, en bordure d'une voie pénétrante et toute proche du
centre ville a fait l'objet d'une extension récente. C'est un beau magasin quasi neuf.
Le bilan carbone de la destruction d'une telle structure et de la construction d'un hyper dans
un endroit plus éloigné et plus enclavé ne devrait-il pas être pris en compte par des élus éco-
responsables ?
Si on évalue les différents projets d'hypers en utilisant la grille d'analyse du Développement
Durable, on ne peut ni sur le plan économique (probable disparition d'emplois et de
commerces), ni sur le plan social (éloignement de leur lieu d'approvisionnement pour des
personnes non motorisées), ni sur le plan environnemental (usage accru de la voiture,
artificialisation non justifiée de nombreux hectares, perte de terres agricoles, coût
énergétique..) y voir le moindre début de pertinence.
Peut-on imaginer que les surfaces, dédiées au grand commerce seraient condamnées à croître
indéfiniment, en totale déconnection avec le contexte économique, social et environnemental ?
Il s'agit bien d'une utopie passéiste. Y-a-t-il vraiment eu un Grenelle de l'Environnement ?
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'expression de mes respectueux sentiments.
Michel Moreau, association Citoyens, Ecologistes, Solidaires